JOURNAL DE CONFINEMENT 2020

CONFINEMENT – JOUR 28 : L’allocution tant attendue

Depuis quelques jours déjà, on s’attendait à un prolongement du confinement. Même que depuis hier, le JDD annonçait l’un des pires scénarios avec un prolongement jusqu’au 15 mai.

Comme beaucoup de Français, j’ai tout de même passé la journée à attendre la sentence en zappant de chaînes d’information en continu en chaînes d’information en continu. 

A part des spéculations à n’en plus finir sur les fuites dans la presse, il n’allait rien se dire de très important mais journaliste que je suis et citoyen lambda que je suis, je ne pouvais rien faire d’autre.

Dans le fond, je savais que je n’allais pas ressortir libre demain ou dans les jours qui viennent mais je crois qu’en fait, je ne réalisais pas.

20h02… ça y est c’était l’heure…

Après une journée d’attente, le verdict du Président Macron allait donc tomber… On allait devoir rester confinés un mois de plus et prendre notre mal en patience jusqu’au 11 mai.

En tant que journaliste spécialisé dans la couverture des mouvements sociaux, je me suis immédiatement dit : « Oh non !!! Après le 1ermai ».

La couverture des manifestations me manque. Depuis le 5 décembre et même avant avec les gilets jaunes, j’étais dans la rue plusieurs fois par semaine. 

Mais là, depuis le début du confinement, plus rien. Plus cette chaleur humaine, plus tous ces bruits caractéristiques des manifestations (les détonations, les chants en tous genres…), plus cette liberté d’être dans la rue sans attestation dérogatoire…

C’était donc la douche froide, la grosse déception et ce n’était que le début de l’allocution présidentielle.

Après le choc, place à l’incompréhension…

L’annonce de la continuité économique même pour des activités non essentielles, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

En effet, il y a quelques jours, j’avais fait une interview anonyme avec un intérimaire qui travaille chez Amazon et à qui le droit de retrait a été refusé par sa boîte d’intérim. Cette personne avait pourtant fait une description très précise de ses conditions de travail déplorables en temps de coronavirus.

Et, cette situation existe probablement dans d’autres entreprises…

Je ne comprenais pas pourquoi il fallait faire travailler des personnes soi-disant pour le bien de l’économie au risque de ne pas stopper la propagation du virus alors que je suis contraint comme beaucoup de rester confiner depuis un mois déjà.

La soirée qui a suivi ce discours présidentiel extrêmement long a également été très longue.

M’imaginer le 11 mai ? Impossible.

Plus la soirée avançait, plus je prenais conscience qu’il allait falloir tenir encore un mois confiné, qu’on n’en était qu’à la moitié.

Avant ce soir et même avant tard dans la soirée, je n’avais pas pris conscience du temps qu’il restait malgré les nombreux articles depuis plusieurs jours déjà.

Je crois que j’étais en train de vivre la plus longue soirée de ce confinement. Le temps était comme suspendu… Je n’arrivais pas à me projeter… J’étais comme au milieu du vide… 

Depuis quelques jours, grâce à la pratique d’une activité physique régulière, je n’avais plus de problèmes d’insomnie comme au début du confinement.

Mais là ce soir, je n’avais pas sommeil… J’étais trop triste, trop énervé pour arriver à m’endormir.

Je n’avais pas envie de regarder la télé, de lire ou de grignoter comme je pouvais le faire depuis le début du confinement… Non, je n’avais envie de rien à part de pleurer toutes les larmes de mon corps de désespoir et de colère.

Cela ne servait à rien mais c’était incontrôlable. Je me sentais tellement impuissant face au coronavirus, face au confinement, face au monde qui m’entoure…

Moi qui en tant que journaliste ai l’habitude de raconter le monde et ce qu’il s’y passe, je me sentais broyé par celui-ci. J’étais incapable de voir la petite lumière au bout du tunnel… 

Pourquoi rester enfermé jusqu’au 11 mai ?

L’allocution du Président de la République ne répondait pas à mes questions sur la gestion de la crise sanitaire, sur pourquoi le confinement n’était pas total, sur pourquoi certaines entreprises commençaient à refonctionner depuis quelques jours déjà… 

Et pourquoi le 11 mai tout simplement ? Mais, je ne pouvais pas avoir les réponses à mes questions puisque ce n’était ni une interview, ni une conférence de presse avec une pluralité de médias… 

Alors, pourquoi remercier les journalistes en début d’allocution, si c’est pour les museler ? Déjà plusieurs jours que les médias ne sont plus invités pour les déplacements présidentiels, depuis ce fameux bain de foule d’Emmanuel Macron en Seine-Saint-Denis. 

Après les difficultés des premiers jours de confinement, j’avais pourtant réussi à retrouver un semblant d’équilibre, à retrouver de l’espoir en des jours meilleurs mais là c’était trop…